O Fortuna : quand le latin médiéval s’invite en classe !

Je suis ravie de partager une activité qui a le potentiel de dynamiser n’importe quel cours de latin : l’étude et le chant du célèbre poème médiéval, O Fortuna. Plus qu’une simple œuvre littéraire, il s’agit d’un pont entre l’Antiquité, le Moyen Âge et la culture populaire moderne.

Le contexte : un hymne à la Fortune changeante

O Fortuna est le titre donné à la première section de la série de poèmes médiévaux Carmina Burana. Cette complainte, écrite en latin médiéval au XIIIe siècle, est intégrée à une première partie intitulée Fortuna Imperatrix Mundi (Fortune Impératrice du Monde).

Le thème central est la fortune , illustrée par la puissante image de la Roue de la Fortune (Rota Fortunae). Ce concept antique et médiéval symbolise la nature changeante et capricieuse du destin.

  • La déesse Fortune (Fortuna) tourne la roue.
  • Elle illustre la précarité du pouvoir temporel et des conditions humaines , montrant des personnages qui montent vers la gloire pour ensuite être irrémédiablement ramenés à la chute.

C’est un bon point de départ pour une discussion en classe sur la mythologie romaine, la philosophie médiévale et l’instabilité de la vie.

O Fortuna en musique : l’œuvre de Carl Orff

Si le poème est déjà très prenant, sa renommée mondiale vient de sa mise en musique. Le compositeur bavarois Carl Orff a mis O Fortuna en musique dans le mouvement d’ouverture et de clôture de sa cantate Carmina Burana.

  • Cette cantate fut mise en scène pour la première fois par l’Opéra de Francfort le 8 juin 1937.
  • C’est cette version, reconnaissable entre toutes, que vous entendrez souvent au cinéma, à la télévision ou lors d’événements sportifs.

Chanter la version d’Orff (même une version simplifiée) permet d’aborder la musique classique et de montrer l’influence de la poésie latine sur l’art moderne.

Analyse et traduction : le Latin vivant ( quelques pistes pour travailler sur le texte avec les élèves)

Le titre : O Fortuna

  • O : C’est une interjection (comme « Ô » en français). Elle sert à appeler ou à interpeller.
  • Fortuna :
    • C’est un nom commun (une chose ou une idée : la Fortune, la chance).
    • En latin, le −a final nous indique qu’il s’agit d’un mot de la première déclinaison (comme rosa).
    • La fonction grammaticale ici est le Vocatif (le cas de l’appel). On interpelle la déesse Fortune.

Le premier vers : velut luna statu variabilis

  • velut : c’est un adverbe de comparaison qui signifie « comme ».
  • luna :
    • C’est un nom commun qui signifie « la lune ».
    • Il est au nominatif (le cas du sujet) car il est le sujet du verbe sous-entendu ou l’élément de comparaison principal.
  • statu :
    • C’est un nom commun de la quatrième déclinaison (status, -us). Il signifie « en ses phases » ou « dans sa condition ».
    • Il est à l’ablatif (le cas qui indique la manière, l’état).
  • variabilis :
    • C’est un adjectif qui signifie « changeante ».
    • Il est au nominatif et s’accorde avec le nom féminin luna (la lune changeante). L’adjectif apporte une précision sur le nom.

Les actions de la Fortune : semper crescis aut decrescis;

  • semper : c’est un adverbe de temps qui signifie « toujours ».
  • crescis :
    • C’est un verbe qui signifie « tu croîs ».
    • Sa terminaison en −s indique qu’il est conjugué à la 2e personne du singulier (Tu). Il s’agit du Présent de l’indicatif.
    • Le sujet est Fortuna, mais comme c’est un vocatif, on utilise la deuxième personne (tu).
  • aut : c’est une conjonction de coordination qui signifie « ou » / « et ».
  • decrescis :
    • C’est un verbe qui signifie « tu décroîs ».
    • Comme crescis, il est à la 2e personne du singulier (Tu).

Le latin est une langue où la terminaison du mot est très importante !

  • Le −a de Fortuna nous dit que c’est une déesse qu’on appelle.
  • Le −s de crescis et decrescis nous dit que c’est la Fortune qui fait l’action.

Le poème décrit la Fortune comme une personne qui est toujours en mouvement, comme la lune, faisant monter et descendre les gens de sa roue ! 

Idées pour la classe :

  1. Chant et rythme : apprenez la mélodie simple du début et travaillez la prononciation latine. La puissance rythmique de la version d’Orff aide énormément à la mémorisation et à l’intonation.
  2. Projet artistique : demandez aux élèves de dessiner leur propre version de la Rota Fortunae en utilisant les thèmes de la vie moderne (succès aux examens, échec sportif, etc.).
  3. Comparaison thématique : raites le lien avec d’autres textes latins sur le destin (Virgile / Horace) ou même des expressions françaises comme « La roue tourne ».

Chanter O Fortuna n’est pas seulement un exercice linguistique, c’est aussi une immersion culturelle et émotionnelle qui montre à quel point le latin peut encore résonner aujourd’hui

L’histoire racontée par la chanson « The Mass » d’ERA, qui reprend la musique de « O Fortuna » de Carl Orff (extrait des Carmina Burana), est avant tout mystique, épique et non narrative au sens traditionnel.

1. Le Projet ERA

  • Langue imaginaire et ambiances : ERA, le projet du musicien français Éric Lévi, est connu pour utiliser des chœurs et des paroles chantées principalement dans une langue imaginaire qui rappelle le latin médiéval, parfois mélangée avec de vrais mots latins ou d’autres langues. L’objectif n’est généralement pas de raconter une histoire linéaire et claire, mais de créer une atmosphère d’émotions universelles, souvent spirituelle, mystique et médiévale.
  • Signification de « The Mass » : le titre lui-même, « The Mass » (La Messe), et l’utilisation de chœurs puissants et de percussions, évoquent des thèmes de ritualité, de transcendance, de pouvoir et de destin.

2. La source : « O Fortuna » (Carmina Burana)

« The Mass » d’ERA est une adaptation du célèbre chœur « O Fortuna » du compositeur allemand Carl Orff, lui-même basé sur un poème médiéval du XIIIe siècle.

  • Thème principal : La Roue de la Fortune
    • Le texte original de « O Fortuna » (Ô Fortune) est une lamentation sur la volatilité et l’imprévisibilité du destin et de la fortune.
    • La Fortune est personnifiée comme une force capricieuse, une roue qui tourne (la Roue de la Fortune). Elle élève certains au sommet (« Je règnerai ») pour les faire chuter brusquement (« Je suis sans règne »), symbolisant la nature éphémère de la richesse, du pouvoir et du bonheur terrestres.
    • Les paroles originales en latin décrivent la Fortune comme « changeante comme la lune », une force « détestable » qui « dissout la pauvreté et la puissance comme la glace ».

3. La combinaison ERA + O Fortuna

En superposant ses propres paroles (souvent en langue imaginaire ou en latin fragmenté) à la mélodie et au rythme écrasants de « O Fortuna », ERA amplifie l’impression de :

  • Grandeur et Puissance : la musique réutilise l’énergie brute et martelée de l’original pour créer une sensation de solennité et d’immensité.
  • Épopée Mystique : le morceau est souvent associé dans les clips et les médias à des thèmes médiévaux, de chevalerie, de guerre spirituelle ou de quête.

L’histoire du clip n’est pas une narration spécifique, mais une affirmation sonore et émotionnelle de la puissance du destin (la Fortune) sur l’existence humaine vue à travers un prisme mystique et médiéval.