Parmi les mystères les plus fascinants de l’Antiquité figure celui du silphium, une plante aujourd’hui disparue qui occupait une place centrale dans la vie des Grecs et des Romains. Utilisée à la fois comme panacée médicinaleépice précieuse et surtout comme contraceptif redoutablement efficace, le silphium était si prisé qu’il valait son poids en argent.

Le silphium, σίλφιον (sílphion) en grec ancien, était une plante condimentaire et médicinale, très utilisée et très appréciée dans l’Antiquité gréco-romaine.

Une plante aux multiples usages

Les sources antiques, notamment Pline l’Ancien, évoquent une plante exceptionnelle aux nombreuses vertus : elle servait à assaisonner les plats, soigner diverses maladies et surtout agir comme un des tout premiers moyens de contrôle des naissances. Une propriété qui a contribué à faire de cette plante un trésor inestimable.

L’extinction du silphium

La demande romaine pour le silphium fut telle que la plante fut surexploitée, jusqu’à disparaître totalement. Dès le Ier siècle de notre ère, sous le règne de l’empereur Néron, Pline l’Ancien rapporte qu’il ne subsistait plus qu’un seul pied de silphium, offert à l’empereur lui-même. Durant deux millénaires, on a considéré cette plante comme éteinte à jamais.

Une redécouverte inattendue

Mais en 1983, le professeur turc Mahmut Miski fit une découverte étonnante sur les montagnes turques : une plante aux fleurs jaunes, la Ferula drudeana, qui pourrait être un descendant direct du silphium disparu. Il lui fallut des décennies d’études pour rapprocher les descriptions antiques de la plante qu’il avait trouvée.

Aujourd’hui, beaucoup d’experts s’interrogent : la Ferula drudeana serait-elle le silphium légendaire ? Si c’est le cas, c’est une véritable renaissance botanique, et un pont extraordinaire entre science moderne et savoirs anciens.

Voici quelques extraits en latin (et en grec ancien le cas échéant) mentionnant le silphium, tirés de sources antiques :


 Catulle – Carmen 7 (vers 4–5)

“Quantum est hominum venustiorum, Lesbia, nostra : / tantum siet super Cyrenis silphium harenae.”

Traduction : « Autant qu’il y a d’amoureux charmants, Lesbia, autant y en ait-il des grains de sable sur les plages de Cyrène où pousse le silphium. » Cette image souligne la renommée et l’abondance — ou du moins l’idéalisation — de la plante à Cyrène. plantdelights.com+15theherbalacademy.com+15en.wikipedia.org+15


 Pline l’Ancien –(Histoire naturelle, Livre XIX, Chapitre 15)

Pline note qu’à un moment il ne restait plus qu’“un seul pied” de cette plante, offert à l’empereur Néron :

“…memoriae nostrorum una caespites soli silphii inventi sunt, quos curiositate ad Nerōnem delati sunt.”

Traduction : « …dans la mémoire de nos contemporains une seule touffe de silphium a été trouvée, et elle fut envoyée à Néron par curiosité. »


Dioscoride – De materia medica

Bien que le texte grec soit d’abord, sa version latine mentionne la capacité du silphium à provoquer le flux menstruel, soulignant ses usages contraceptifs :

“Sagapenum … similitudinem habet oloris cum silphio et galbano, et est expetorans, topice adhibitum, anticonvulsivum, abortivum.”

Traduction : « Le sagapenum… a une odeur similaire au silphium et à la galbane, et il est expectorant, utilisé localement, anticonvulsivant, abortifiante. »


Théophraste –Historia Plantarum (Grecs, Livre VI, §3.2)

Original grec :

« σχῆμα δὲ ῥίζης πυκνῆς μέσης· ἡ δὲ ῥάβδος ὅμοια τῇ Φερύλῃ, παρόμοιος γὰρ καὶ μέσῳ πάχει … τὸ φύλλον ὡς σέλινον· καὶ καρπὸν πλατύτερον καὶ ἐφυλλωμένον … »

Traduction :
« … la racine est assez dense, la tige ressemble à celle de la férule, d’un calibre moyen… les feuilles sont comme du céleri… et le fruit est plus large et foliacé… »


Selon le géographe Pausanias : 

« Les Dioscures, s’étant présentés chez ce Phormion comme des étrangers, lui demandèrent l’hospitalité en disant qu’ils venaient de Cyrène, et ils prièrent qu’on leur donnât la chambre qui leur plaisait le plus lorsqu’ils étaient parmi les hommes. Phormion leur répondit que tout le reste de la maison était à leur disposition, excepté la chambre qu’ils demandaient, parce qu’elle était occupée par sa fille qui n’était pas encore mariée. Le lendemain, la jeune fille avait disparu ainsi que toutes celles qui la servaient, et on trouva dans la chambre les statues des Dioscures et une table sur laquelle il y avait du silphium. »

— Pausanias, Périégèse, livre III, chapitre XVI