
Déconstruire les stéréotypes en classe : découvrez le jeu « Préjugés : au-delà des apparences »
En tant qu’enseignants, nous cherchons constamment des moyens ludiques et percutants pour aborder l’EMC (Enseignement Moral et Civique) et la lutte contre les discriminations. Je vous présente un outil pédagogique que j’ai créé: « Préjugés : au-delà des Apparences ».
C’est une revisite complète du célèbre « Qui est-ce ? », mais avec une mécanique inversée conçue pour piéger nos biais cognitifs et nous forcer à voir plus loin que le bout de notre nez.
Le Cconcept : un « Qui est-ce ? » où l’habit ne fait pas le moine
Le matériel se compose de 20 portraits illustrés représentant des archétypes sociaux très marqués (le militaire, la femme en bikini, le jeune à capuche, la dame âgée, etc.).
La règle d’or : contrairement au jeu classique, le but n’est pas de valider ce que l’on voit, mais de trouver la vérité cachée. Chaque personnage possède une « vraie vie » qui contredit totalement son apparence.
Le « conteur » (l’élève qui a choisi le personnage) doit répondre aux questions des camarades en se référant uniquement à la personnalité réelle du personnage, et non à son physique.
Quelques exemples tirés du jeu :
- L’homme en costume gris : on le prend pour un banquier ambitieux obsédé par l’argent. En réalité, c’est un champion de Skateboard Freestyle, cool et détendu, qui sort juste d’un rendez-vous comptable.
- La femme à la veste militaire : son apparence suggère une militante politique ou une garde-forestière sévère. La vérité ? C’est une auteure de livres pour enfants qui adore les fées, les licornes et la douceur.
- La dame âgée en noir : elle semble « vieux jeu » et technophobe. Pourtant, c’est une DJ Techno célèbre dans les clubs underground de Berlin.
- L’homme en djellaba : On projette sur lui l’image d’un homme conservateur ou sévère. C’est en fait un prof de salsa, roi de la fête et des cocktails.
Ce que ce jeu apporte en termes de Compétences Psychosociales (CPS)
Au-delà du simple divertissement, ce jeu est un levier pour développer les compétences psychosociales des élèves, telles que définies par l’OMS et l’Éducation Nationale.
1. La pensée critique (savoir résoudre des problèmes)
Le jeu place l’élève face à une dissonance cognitive.
- Le piège : le cerveau de l’élève veut utiliser un raccourci mental (une heuristique) : « Il a des lunettes, donc il est intello/faible » (le personnage est en fait champion de MMA ).
- L’apprentissage : pour gagner, l’élève doit inhiber ce réflexe et analyser la réponse du Conteur. Si le Conteur dit « Il n’est pas timide », l’élève doit déduire que cela peut s’appliquer au personnage qui a l’air timide. Cela muscle l’esprit critique et la capacité de déduction logique.
2. La conscience de soi et l’empathie
Le jeu agit comme un miroir. Lorsqu’un élève pose la question « Est-ce qu’elle est superficielle ? » à propos de la femme en bikini , et que la réponse est « Non, c’est une astrophysicienne renommée », l’élève prend conscience de son propre jugement hâtif. Cela favorise l’empathie : on apprend à dissocier l’apparence de la valeur intrinsèque d’une personne. On comprend que tout le monde possède une complexité intérieure invisible au premier regard.
3. La communication efficace
Les élèves doivent formuler des questions. Dans ce jeu, ils apprennent que les mots ont un poids. Demander « Est-ce qu’il est méchant ? » en regardant l’homme en treillis ou la femme gothique force à définir ce qu’est la « méchanceté » visuelle par rapport à la réalité (ici, un ornithologue pacifiste ).
4. La gestion des émotions (surprise et frustration)
La mécanique de jeu crée une surprise constante. L’élimination du « mauvais » personnage (celui qui correspondait pourtant au cliché) génère une frustration positive qui ancre l’apprentissage : « Je me suis fait avoir par mes préjugés, je ne recommencerai pas. »
Cette mécanique force le cerveau à faire un effort conscient pour dissocier l’apparence de la fonction.
Le Conteur doit faire preuve d’imagination pour humaniser un personnage stéréotypé.Les Enquêteurs doivent lutter contre leur instinct premier (le biais de confirmation) pour chercher l’improbable.
Comment l’utiliser en classe ?
Ce jeu s’intègre parfaitement dans une séquence d’EMC, de Français (le portrait), ou même en vie de classe pour apaiser le climat scolaire.
- Niveau recommandé : cycle 3, Collège et Lycée (en adaptant le vocabulaire).
- Débriefing indispensable : le jeu ne se suffit pas à lui-même. Il est crucial de prendre 10 minutes à la fin pour discuter : « Quel personnage vous a le plus surpris ? », « Pourquoi avons-nous ces réflexes de jugement ? », « Est-ce que cela arrive dans la cour de récréation ? ».
« Préjugés : Au-delà des Apparences » est un outil ludique pour prouver par l’expérience que nos premières impressions sont souvent trompeuses et que la diversité est une richesse qui ne se devine pas toujours au premier coup d’œil.
Dans ce jeu revisité (« Préjugés : Au-delà des Apparences »), les questions des joueurs (les Enquêteurs) doivent impérativement reposer sur des clichés. C’est le moteur du jeu : poser une question stéréotypée pour obtenir une réponse qui casse ce stéréotype.
Voici une liste de questions types que les joueurs peuvent poser (ou qui pourraient figurer sur les cartes « Questions » de la pioche), classées par catégorie, et comment elles fonctionnent avec la mécanique :
1. Questions sur le Caractère (Juger sur la mine)
L’objectif est de piéger le Conteur sur l’apparence « gentille » ou « méchante » du personnage.
- « Est-ce que ce personnage est violent ou agressif ? »
- Cible le visuel : Le Militaire, le Mafieux, le Punk.
- Le Twist : Si le Conteur a choisi le Militaire (qui est en fait un ornithologue pacifiste), il répondra NON.
- Déduction : Les joueurs doivent garder les personnages qui ont l’air méchants mais ne le sont pas.
- « Est-ce que ce personnage est timide ou introverti ? »
- Cible le visuel : Le Garçon à lunettes, le Bibliothécaire.
- Le Twist : Si le Conteur a choisi le Garçon à lunettes (Champion de MMA), il répondra NON (car sur le ring, il n’est pas timide).
- « Est-ce que ce personnage est superficiel ? »
- Cible le visuel : La Femme en bikini, la « Bourgeoise », la Pom-pom girl.
- Le Twist : Si c’est la Femme en bikini (Astrophysicienne), la réponse est NON.
2. Questions sur le Métier / L’Intelligence (L’habit fait-il le moine ?)
Ici, on cherche à voir si le statut social apparent correspond à la réalité.
- « Est-ce qu’il a fait de longues études ? »
- Cible le visuel : Le Docteur, l’Homme en costume.
- Le Twist : Si c’est le Docteur (Graffeur de rue), le Conteur pourrait répondre NON (ou « pas celles que tu crois »).
- Inversement : Si c’est la SDF (Architecte milliardaire), la réponse sera OUI.
- « Est-ce qu’il a un travail manuel / physique ? »
- Cible le visuel : L’Ouvrier de chantier.
- Le Twist : Si c’est l’Ouvrier (Danseur étoile à la retraite/Fleuriste), la réponse est nuancée, mais s’ils demandent « Est-ce qu’il travaille sur des chantiers ? », la réponse est NON.
- « Est-ce qu’il travaille dans un bureau ? »
- Cible le visuel : La Business Woman en tailleur.
- Le Twist : Si c’est l’Humoriste de stand-up, la réponse est NON.
3. Questions sur les Goûts / Loisirs (Délit de faciès culturel)
Ces questions visent les préjugés culturels liés aux vêtements.
- « Est-ce qu’il aime faire la fête ? »
- Cible le visuel : Les jeunes, les gens « cools ».
- Le Contre-pied : L’homme religieux en djellaba (Prof de Salsa) -> Réponse OUI. La Dame âgée (DJ Techno) -> Réponse OUI.
- « Est-ce qu’il est doué en informatique ? »
- Cible le visuel : Le Geek/Lutin vert, le Garçon à lunettes.
- Le Contre-pied : La Pom-pom girl (Hackeuse) -> Réponse OUI. Le Lutin (Juge suprême) -> Réponse NON.
- « Est-ce qu’il aime la nature ? »
- Cible le visuel : L’Explorateur.
- Le Contre-pied : L’Explorateur (Bibliothécaire agoraphobe) -> Réponse NON (il déteste sortir).
Résumé de la stratégie pour les joueurs
Pour gagner, les joueurs ne doivent pas chercher à confirmer ce qu’ils voient, mais à trouver l’intrus.
Si la question est « Est-ce qu’il aime la bagarre ? » et que la réponse est « OUI », les joueurs doivent paradoxalement chercher :
- Quelqu’un qui n’a pas l’air d’aimer la bagarre (comme le Garçon à lunettes / Champion de MMA).
- Et éliminer ceux qui ont l’air d’aimer ça de façon évidente (car dans ce jeu, l’évidence est souvent fausse).
Le jeu est ici ;
