
Parmi les objets archéologiques les plus étonnants liés à la médecine antique figure un petit sceau, appelé cachet à collyres, découvert à Apt (Var) avant 1752 et aujourd’hui conservé au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale de France.
Qu’est-ce qu’un cachet à collyres ?
Les cachets à collyres sont de petites pierres gravées utilisées dans l’Antiquité romaine par les médecins et les pharmaciens. Leur fonction était d’apposer une marque sur des préparations médicamenteuses, en particulier des collyres, c’est-à-dire des remèdes appliqués directement sur les yeux. Chaque cachet portait une inscription indiquant la composition ou l’usage thérapeutique du médicament.
Ces sceaux, gravés en caractères rétroscrits (inversés, comme sur un tampon), permettaient de marquer l’argile ou la cire qui scellait les pots contenant le collyre.
La découverte d’Apt
Le cachet retrouvé dans une tombe d’Apt est un petit bloc de pierre de forme carrée, soigneusement poli et gravé. Il a été découvert accompagné d’objets funéraires et a très vite intrigué les chercheurs.
Les inscriptions qu’il porte sont en latin, et mentionnent différentes affections oculaires. Grâce à la transcription, on lit notamment :
- AD CALIGINEM → « Pour le brouillard [des yeux] »
- POST IMPETUM → « Après l’accès [d’affection oculaire] »
- AD ASPRITUDINEM → « Pour la rugosité [des paupières] »
- LENEM AD IMPETUM → « Doux, pour l’accès [d’affection oculaire] »
Ces formules courtes donnent une précieuse indication sur les troubles visuels que l’on cherchait à soulager : cataractes, inflammations, rougeurs ou encore infections des paupières.
Un témoignage rare de la médecine antique
L’étude de ce cachet nous éclaire sur la manière dont les Romains concevaient la médecine. Les maladies des yeux étaient courantes dans le monde antique, notamment à cause de la poussière, de l’éblouissement solaire et du manque d’hygiène. Les collyres faisaient donc partie de la pharmacopée essentielle.
Le sceau d’Apt rappelle que les médecins de l’époque avaient déjà une pratique très organisée : les remèdes étaient préparés, étiquetés et prescrits pour des symptômes bien définis.
Pourquoi est-ce important ?
Cet objet est à la fois :
- Archéologique, car il témoigne de la vie quotidienne et des soins médicaux dans l’Empire romain ;
- Historique, puisqu’il illustre le savoir médical transmis par les textes antiques de médecins comme Galien ou Celse ;
- Patrimonial, car il relie le territoire provençal d’Apt à une pratique universelle, la médecine.
Conservé aujourd’hui à la BnF, ce petit cachet à collyres rappelle que les soins du corps et de la vue étaient déjà au cœur des préoccupations des Anciens.
Les cachets à collyres servaient à marquer ces préparations, qui étaient des poudres comprimées en pastilles ou des onguents que l’on diluait avec de l’eau, du lait ou du vin avant application dans les yeux.
Principaux ingrédients utilisés dans les collyres romains
- Minéraux et métaux
- Antimoine (stibium) : utilisé comme poudre fine, aux propriétés astringentes.
- Sulfate de cuivre (chalcanthum) : antiseptique, utilisé contre les inflammations.
- Plomb (céruse, litharge) : fréquent dans les préparations antiques, malgré sa toxicité.
- Oxyde de zinc (calamine) : calmant et cicatrisant.
- Produits végétaux
- Miel : base fréquente des collyres, à la fois adoucissant et antiseptique.
- Aloès : apaisant et laxatif local.
- Résines et gommes (encens, myrrhe, gomme arabique) : propriétés anti-inflammatoires.
- Plantes aromatiques (safran, fenouil, aneth, rue) : souvent utilisées pour « éclaircir la vue ».
- Produits animaux
- Graisse ou lait (parfois de chèvre ou d’ânesse) comme excipients.
- Occasionnellement, des substances plus étranges, comme le bile animale, sont mentionnées.
Exemple de collyre antique (selon Celse et Galien)
Un collyre contre les inflammations pouvait contenir :
- du safran (calmant),
- de la myrrhe (désinfectante),
- du miel (pour la consistance),
- un peu de sulfate de cuivre (antiseptique).
La pâte obtenue était séchée en pastilles. Avant usage, on en diluait une dans de l’eau ou du lait, puis on l’appliquait dans l’œil.
Inscription latine (cachet) | Traduction | Trouble visé | Ingrédients utilisés dans les collyres antiques (selon Celse, Galien, Pline…) |
---|---|---|---|
AD CALIGINEM | « Pour le brouillard [des yeux] » | Cataractes, vision trouble, baisse de la vue | Safran (clarifiant), fenouil (améliore la vue), miel (adoucissant), antimoine (astringent léger) |
POST IMPETUM | « Après l’accès [d’affection oculaire] » | Crise inflammatoire ou conjonctivite passée | Myrrhe (désinfectante), aloès (cicatrisant), gomme arabique (adoucissante), eau de rose ou vin dilué |
AD ASPRITUDINEM | « Pour la rugosité [des paupières] » | Blépharite, paupières rugueuses ou irritées | Miel (calmant), encens (astringent), oxyde de zinc (cicatrisant), graisse animale ou lait pour la texture |
LENEM AD IMPETUM | « Doux, pour l’accès [d’affection oculaire] » | Conjonctivite aiguë, inflammation vive | Collyre adoucissant : miel, lait d’ânesse, gomme arabique, parfois safran ou aloès en petite dose |
Points intéressants à retenir
- Le miel apparaît presque partout : il était l’ingrédient de base, grâce à ses propriétés antiseptiques et apaisantes.
- Les minéraux (cuivre, antimoine, zinc) servaient d’astringents puissants, mais leur usage prolongé pouvait être toxique.
- Les plantes aromatiques (safran, fenouil, aneth, rue) étaient liées à la croyance qu’elles « éclaircissaient » la vue.
- Le caractère rétrograde des inscriptions permettait de marquer ces noms en lisible sur les pastilles de collyres.
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