
L’Art de l’ouverture : maîtriser la Captatio Benevolentiae
« La parole est un sport de combat ». Cette citation de l’avocat Bertrand Périer illustre parfaitement l’enjeu d’une prise de parole : la scène est un ring où l’orateur doit chercher le K.O. d’entrée. Tout comme Mike Tyson remportait ses combats grâce à une ouverture fulgurante, un orateur doit saisir son public dès les premières secondes.
Cette technique cruciale porte un nom latin : la Captatio Benevolentiae, ou la recherche de la bienveillance de l’auditoire.
Qu’est-ce que la Captatio Benevolentiae ?
Ce n’est pas une simple introduction administrative où l’on se contente de poser le sujet. C’est un « exorde », un rideau qui s’écarte, un moment-clé pour rompre le silence et établir un contact positif. Son but unique est de capter l’auditoire pour qu’il n’ait d’autre choix que d’écouter.
La Méthode A.C.I.S. : les 4 Missions
Pour réussir son ouverture, l’orateur doit remplir quatre missions distinctes, résumées par l’acronyme A.C.I.S.:
1. Attirer l’Attention (A)
C’est la mission la plus nécessaire. Il faut stopper le monologue intérieur du public, interrompre le « hamster cérébral » des participants pour leur dire « Stop ! C’est ici et maintenant ! ». Sans attention, l’orateur n’existe pas.
2. Établir la Connexion (C)
Connecter signifie « lier ensemble ». L’orateur doit créer un lien humain, répondre au besoin d’appartenance et montrer qu’il comprend son public. C’est comme dire amicalement à chaque personne : « Prends ma main ».
3. Susciter l’Intérêt (I)
Le public se pose toujours une question égoïste : « Qu’ai-je à gagner à écouter ? » (ou What’s in it for me?). Il faut promettre un gain, une solution à un problème ou un plaisir. Si l’auditeur ne perçoit pas son intérêt, il retournera à ses pensées ou à son smartphone.
4. Lancer le Sujet (S)
Enfin, il faut définir le champ d’exploration et poser les fondations du discours. Un sujet clair garantit la sécurité de l’auditoire et évite qu’il ne navigue dans le brouillard.
La Boîte à Outils : 18 Techniques pour Démarrer
Le document recense de nombreuses techniques éprouvées pour réaliser ces missions. En voici les principales catégories :
L’Art de la Surprise et du Suspense
- La déclaration surprenante : Révéler un fait incroyable ou tragique pour choquer, comme l’Abbé Pierre lors de l’hiver 1954.
- Le paradoxe : Contredire les idées reçues pour offrir une nouvelle perspective (ex: Yasser Arafat à Genève).
- Le suspense et la curiosité : Utiliser une énigme ou un cliffhanger pour donner soif d’entendre la suite, comme François Hollande à Oradour-sur-Glane.
L’Interaction et l’Émotion
- Le silence : Marquer un long silence initial pour créer une attente et accroître l’attention.
- La question rhétorique : Une fausse question qui pousse l’auditeur à réfléchir sans répondre oralement.
- L’humour : Une arme redoutable pour connecter, mais délicate à manier. Elle demande de bien connaître son public.
- L’émotion et la vulnérabilité : Partager ses peurs ou son humilité (comme Simone Veil ou Nelson Mandela) crée une empathie immédiate.
L’Identification
- Le « Je » et le « Nous » : Personnaliser le discours (« Je ») ancre le propos , tandis que le « Nous » rassemble l’orateur et le public dans une même communauté (comme la Reine Elizabeth II).
- S’intéresser à l’auditoire : Faire une référence locale ou complimenter le public montre qu’on le respecte (ex: JFK à Berlin).
- L’histoire (Storytelling) : Raconter une histoire courte permet au public de s’identifier et de comprendre l’enjeu émotionnel.
La Preuve et la Structure
- La démonstration : Rien ne vaut une preuve visuelle, comme Steve Jobs sortant le MacBook Air d’une enveloppe.
- La citation : S’appuyer sur l’autorité d’une figure célèbre ou un proverbe.
- La définition : Clarifier un terme dès le début pour éviter les malentendus.
L’ouverture d’un discours n’est pas qu’un effet de style ; c’est le commencement d’une relation. En passant du temps à préparer une captatio benevolentiae qui coche les cases de l’attention, de la connexion, de l’intérêt et du sujet, l’orateur s’assure de conquérir son public avant même d’avoir développé ses arguments.